A
32 ans, le môme de Sherbrooke, au Québec, est devenu
l'un des artistes francophones les plus populaires au monde. Nous
l'avons suivi dans sa tournée triomphale en Russie. Instants
privés avec un amoureux de la vie.
Tout
a commencé dans un bar. Aujourd'hui Garou fréquente
beaucoup moins les comptoirs que durant ses années de galère
où il viviat la nuit, son "corps a beaucoup souffert
et continue à souffrir", nous confie-t-il. C'est pourtant
dans un bar perdu du Québec que Luc Plamondon l'a repéré.
L’histoire,
entre larmes et rires, d’un garçon simple qui ne peut
plus échapper à son destin: conquérir le monde
avec sa voix d’or
Quand
ce diable de Québécois a mis pour la première
fois de sa vie les pieds en Russie, la «garoumania»
a aussitôt déferlé sur la place Rouge, qu’il
arpente sourire aux lèvres et sans lunettes noires. Recordman
de ventes de disques avec «Seul» et «Reviens»
(trois millions d’albums vendus), audiences télé
pulvérisées, duos déjà quasi mythiques
avec Céline Dion ou Michel Sardou, l’ex-bossu de Notre-Dame
de Paris triomphe au pays des Soviets où il est devenu une
véritable star, au même titre que Patricia Kaas ou
Charles Aznavour. Deux concerts pleins à craquer au cours
desquels il déclenche l’hystérie Moscou, 5000
spectateurs en plein coeur du Kremlin, sous les fenêtres de
Vladimir Poutine ; Saint-Pétersbourg, 9000 fans dans une
gigantesque aréna. Avant d’entamer cette semaine des
tournées en Pologne et en République tchèque,
puis de parcourir toute la France jusqu’ au 19 décembre.
Ses
fans russes apprennent par coeur ses tubes et les chantent phonétiquement
Garou,
lui, est euphorique «Ça faisait longtemps que je n’avais
pas eu un tel feeling. Je ne savais pas très bien où
j’allais en venant à Moscou. Ça fait drôle
de voir les Russes chanter mes chansons phonétiquement, s’amuse-t-il.
Gitan, ils la connaissent par coeur, mais je vois bien qu’ils
ne disent pas les bons mots !» Un succès dû en
grande partie à l’industrie du disque pirate, véritable
fléau en Russie. Mais Garou ne semble guère se formaliser
de cet important manque à gagner (on estime que neuf disques
sur dix vendus dans ce pays sont des copies) «les albums ne
sont que des cartes de visite qui permettent ensuite de faire des
concerts. Et ma performance sur scène, personne ne peut la
pirater J’adore me livrer au public», répète
de manière paradoxale cet agoraphobe. « Si je suis
coincé dans la foule, je panique. J’ai toujours été
comme ça. C’est peut-être pour ça que
je fais ce métier, j’arrive au moins à avoir
un espace vital sur scène. Quand j’allais dans les
bars, il fallait toujours que je sois dans un coin. » C’était
pendant ses années de galère, de cette vie d’avant,
«mal balancée, avec des horaires de bric-à-brac»,
où l’on « dort très peu, où l’on
mange très mal». Des bars où il ne va plus,
ou de moins en moins, même ici à Moscou «Ça
devient difficile », lâche-t-il. Parano, Garou? «Oui,là,
un peu quand même... Les gens vont croire que je me la joue
parce que j’ai trois gardes du corps. Mais je n’ai pas
envie de me la jouer.» Les paparazzis? «Pourquoi veut-on
m’enlever la toute petite partie devie privée qu’il
me reste? » Le National Enquirer, un tabloïd américain,
lui a même prêté, ily a deux ans, une liaison
avec Stéphanie de Monaco, à l’issue d’un
concert à Genève.
«C’est une fille bien sympa, mais il n’y a rien
entre nous», rigole-t-il.
Comme il dément tout aussi amusé, la dernière
conquête en date que la presse people lui attribue, la chanteuse
Natasha St-Pier. « Mais je la connais depuis son enfance!
Ce serait presque de l’inceste, sj j’avais une histoire
sentimentale avec elle. C’est ma petite soeur, c’est
mon pote, on se dit tout. Moi,j’ai trouvé très
drôle de découvrir ces photos volées, elle,
un peu moins, car elle vit une très belle relation avec quelqu’un.
Je suis tellement discret dans mes aventures qu’on m’en
invente, c’est plus simple...» D’ailleurs, reconnaît-il
sur le ton de la confidence, « en ce moment je tombe facilement
amoureux. J’aime les femmes mystérieuses,celles que
je n’arrive pas à capter. Elles m’attirent
irrésistiblement. Je suis un éternel romantique».
Est-il aujourd’hui célibataire? «Oui, tu peux
l’écrire Garou est à nouveau un coeur à
prendre», proclame-t-il derrière une vodka, ne dissimulant
rien de sa rupture consommée avec le top model suédois
Ulrika, la mère de sa fille Emelie. « Nous restons
amis, il y a trois semaines, je suis parti en vacances avec elle
et notre fille, à Los Angeles et à Las Vegas. Ça
s’est merveilleusement bien passé. On continue de s’appeler
tous les jours. Je veux être un père normal, même
si je suis souvent absent.» Et les admiratrices qui tournent
autour de lui? « J’ai un peu de difficulté avec
ça. J’essaie de calmer le jeu. J’ai surtout envie
qu’on reconnaisse l’artiste qui offie larmes, sourires
et émotions.»
Une
incroyable énergie doublée d'un optimisme à
toute épreuve
A
elle seule, l’histoire de Garou est une incroyable aventure
de larmes, de sourires et d’émotions. Celle d’un
certain Pierre Garand, noctambule rebelle, écumant les bars
les plus reculés de la Belle Province avec son groupe, The
Untouchables, jusqu’à sarencontre avec un client pas
comme les autres, assis un soir dans un coin de la salle enfumée
Luc Plamondon, le père de Starmania et de Notre-Dame de Paris.
Au Québec, les histoires ressemblent toujours un peu à
des contes de fées, On connaît déjà celui
de la petite fille de la ville de Charlemagne devenue Céline
Dion, mythe planétaire, et de son prince charmant, René
Angélil il y a aujourd’hui l’extraordinaire destin,
écrit ou programmé, du petit garss de Sherbrooke,
alias Garou, qui rêvait, enfant, d’être archéologue,
par curiosité des autres.
Emporté par le succès, le bossu de Notre-Dame n’est
jamais redescendu du sommet de l’affiche. Aujourd’hui,
en tête des hit-parades, l’ex-Quasimodo parcourt le
monde sourire aux lèvres. « Je n’ai jamais demandé
ce qui m’arrive,je n’ai jamais eu soif de popularité»,
confie cet autodidacte qui, il y a quelques années, chantait
encore dans les couloirs du métro de Montréal. «
J’ai toujours tout fait spontanément, mais dans le
désordre. J’ai appris les chansons sur scène.
Etje n’ai pas envie de changer la recette. Je crois que les
gens aiment cette fraîcheur-là.» Il parle en
rafales. Ce qui frappe d’emblée, à chaque fois
qu’on le rencontre, c’est bien cette incroyable énergie,
mais aussi ce regard très bleu de séducteur. «
Je n’aime pas beaucoup projeter cette image de séducteur,
j’ai surtout envie de vivre des relations normales»,
raconte Garou en tirant sur une de ses cigarettes québécoises
qui ne le quittent jamais, au bar de l’hôtel National,en
plein coeur de Moscou. On cherchera en vain des blessures profondes
chez cet irréductible optimiste. «Il doit bien y avoir
quelques chagrins amoureux, murmure-t-il. En fait, tout ce qui
m’arrive de négatif je crois que je réussis
à l’exorciser et à en faire du positif. Par
exemple, il y a une dizaire d’années au Québec,
j’ai perdu une de mes grandes amies dans des conditions épouvantables.
Depuis, j’ai surmonté ce chagrin et cette femme est
devenue mon ange gardien. Il n’y a pas un spectacle sur scène
où je ne pense à elle. ..»
Sherbrooke, la ville où Garou est né le 26 juin 1972,
ressemble à une grande banlieue de quatre-vingt mille habitants,
sans charme particulier, pas très loin de Montréal
et à proximité de la frontière américaine.
Pour sortir de cette cité obscure, il lui a fallu un sacré
coup du sort. Son regard brille «Mais ça fait des années
que je fais partie du décor! Là-bas sont mes amis.
Je m’y sens bien quand j’y reviens, on ne m’y
embête pas. Je m’émerveille encore de tout et
je garderai toujours ma fierté d’être sherbrookois.»
Que reste-t-il de Pierre Garand? « Un compte en banque vide
à la Caisse populaire Desjardins, réplique-t-il, fier
de sa repartie de grand gosse. Je n’ai jamais eu le sens de
l’argent. Quand j’ai commencé à gagner
des sous, je jouais tout sur les machines à poker.
Je continue à être comme ça. Quand j’ai
du fric, je le dépense en restos, on fait des grandes tables
où j’invite tout le monde. Le compte en banque le plus
intéressant s’appelle maintenant Garou Inc.»
La nouvelle poule aux oeufs d’or de Sony avale désormais
les kilomètres d’une tournée triomphale, de
la Russie au Liban, et plante les refrains de sa voix éraillée
dans les sillons dorés que le providentiel René Angélil
creuse pour lui. Sous la houlette du mari de Céline Dion,
voilà Garou au centre d’un enjeu marketing aux dimensions
universelles. «Au début ça m’a fait peur
de devenir un produit, d’être dans un mensonge. René,
c est "renard"! Nous avons beaucoup d’atomes crochus.
Mais je reste un rebelle et je sais que les choses ne seront pas
ainsi. De toute façon, c’était impossible de
refuser une pareille proposition,» La poignée de main
providentielle a eu lieu peu après minuit le 1er janvier
2000 à Montréal, à l’issue du mégaconcert
du Millénaire donné par la reine Céline au
Centre Molson, le temple du hockey canadien. « René,
au début avec le premier album, a cherché un peu à
m’imposer des trucs. Finalement, il a compris que Garou est
une espèce d’animal qu’il faut laisser aller,»
Lui-même a su imposer à René ses potes de Sherbrooke,
avec lesquels il a connu les années de galère Hugo
est son garde du corps, Francis son directeur de tournée,
Dany son saxophoniste... «J’ai besoin d’eux pour
mon équilibre, assure-t-il.
Avec eux je garde les pieds sur terre.» Et il y a bien sûr
Mario Lefebvre, son
manager, son ombre, qui a l’oeil et l’oreille à
tout. Son colonel Parker.
Programmé désormais, telle une fusée, pour
une carrière planétaire, à l’égale
de celle de Céline, Garou n’échappera évidemment
pas au disque en anglais, l’année prochaine, pour prendre
d’assaut le marché anglophone. «C’était
prévu dès le départ par René »,
reconnaît Garou. Certains titres sont déjà enregistrés,
dont un nouveau duo avec Céline Dion qui devrait faire un
malheur, autant que Sous le vent. Angélil rêve de voir
son protégé devenir le nouveau Sinatra. Et beaucoup
prophétisent qu’il pourrait bien y parvenir. «Si
tu penses que tu as travaillé, tu n’as encore rien
vu», lui a récemment glissé Céline. Parole
de star. En orbite autour de la Terre, Garou est un phénomène
qui semble désormais échapper à tout, mais
certainement pas à son destin.. à Moscou, Arnaud
Bédat