SUD OUEST Dimanche 10 mars 2002

photos M.MARIZY /A.RAU

«Ne lui dites pas qu'il est beau, ça l'énerve!»

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C'est un vrai phénomène commercial: en quelques mois, un jeune chanteur québécois, uniquement connu pour son rôle dans la comédie musicale Notre-Dame de Paris, est devenu, avec son premier CD, Seul, le champion des ventes de l’année en France avec près de deux millions d’exemplaires. Pierre Garand, alias Garou, n’en a pas pour autant perdu la tête. Il n’a pas 30 ans, mais c’est déjà un vieux briscard du business et son succès vient récompenser des aventures musicales qui ont démarré bien avant son rôle de Quasimodo dans le spectacle de Cocciante et Plamondon. Il a commencé la guitare à 3ans,s’est mis au piano à 5 et, à 15 ans, a monté un groupe avec des copains. Leur spécialité : les chansons des Beatles. Après un passage mouvementé (en raison de son indiscipline) dans les forces armées canadiennes, il se retrouve en 1993 déménageur le jour et chanteur la nuit. Il joue dans le métro, Vit de rien, s’amuse beaucoup. Le patron d’un bar l’engage à se produire chez lui. C’est là que Luc Plamondon le remarque et lui offre le rôle de Quasimodo. On connaît la suite. Nous l’avons rencontré dans un hôtel parisien. Entre deux voyages, entre deux avions, entre deux concerts, toujours aussi sympathique et terriblement naturel.

Quand vous avez été engagé danse Notre-Dame de Paris , imaginiez-vous qu’une carrière internationale s’ouvrait à vous?

Absolument pas. Luc est un véritable visionnaire ! Je n’arrive toujours pas à comprendre comment il a pu voir en moi la détresse d’un Quasimodo alors que je chantais la joie de vivre la plus totale. Ça me dépasse. En plus, la conquête du succès n’était pas mon moteur,je ne vivais que pour m’amuser. Je chantais des classiques de rhythm and blues avec mon groupe uniquement parce que ça m’éclatait. Je n’avais pas de plan de carrière, je vivais au jour le jour. Je n’imaginais pas l’avenir. Notre-Dame de Paris a bouleversé tout ce que j’avais construit. Je suis entré dans la peau d’un personnage qui ne vivait que dans la souffrance physique et émotionnelle.

Continuez-vous à vivre au jour le jour?

Non. J’ai une équipe autour de moi, ma vie est planifiée pour les prochaines années,
ce qui m’aurait paru inimaginable avant.

Cela vous chagrine?
Pas du tout. Je suis très discipliné dans le travail, mais je me lâche en dehors. Je sors avec mes copains, je bois ferme,mais chez moi il n’y a pas d’alcool. Ma vie est compartimentée, c’est aussi bien ainsi.

Un tel succès commercial dès votre premier album a dû vous déstabiliser...
Au début, je trouvais que tout allait trop vite. Je ne veux pas être le phénomène d’une
année, ni saturer le public. A la fin de la tournée française, je vais donc partir aux Etats-Unis pour mon album américain.

Et si vous faites un flop en Amérique,serez-vous très déçu?

Pas du tout et je vous jure que c’est vrai .Je ne suis pas très ambitieux et l’Amérique ne faisait pas partie de mes objectifs, mais je suis avec une équipe téméraire. Je sais bien que personne ne m’y attend, que des chanteurs qui ont le même type de voix que moi, il y en a partout, et que le succès que j’ai en Europe et au Canada n’est pas un atout.
Là-bas, on repart toujours de zéro,, mais je me réjouis d’aller chanter dans des petits
clubs du Middle West, de faire de la route,de traverser les Etats...Je me réjouis de vivre toute la mystique romantique du road movie.

Comment faites-vous pour avoir à 25 ans la voix d’un vieux bluesman qui aurait passé se vie à picoler?

C’est peut-être parce que j’ai dû boire en dix ans autant qu’un type en cinquante.

Ne craignez-vous pas avec une telle voix de tomber dans la caricature?

Si. C’est pourquoi je me contrôle toujours pour ne pas accentuer le côté éraillé, mais sur scène je me laisse souvent emporter.

Comment avez-vous vécu l’échec de Notre-Dame de Paris à Londres?
Ce n’en était pas un. Nous avons été massacrés par la critique, mais c’était plein tousles soirs et nous faisions un triomphe. J’ai presque préféré jouer Notre-Dame de Paris, à Londres quand je faisais mon entrée sur scène, personne ne criait "Garouuu"

Cela vous gêne-t-il que votre physique contribue à votre succès?

Oui et non. Récemment,j’ai été élu le plus bel homme célèbre du Québec. Cela m’a fortement énervé. J'aimerais avoir le courage d’un Marlon Brando et me laisser prendre du.poids pour casser mon image et forcer les gens à ne s'intéresser qu'à ce que je fais.


Qu’est-ce qui vous déplaît le plus dans ce que vous pouvez lire à votre sujet?

Que l’on me présente comme un gentil garçon manipulé par son entourage.Que je suis une marionnette dont René Angelil tire les ficelles. Ce n’est pas du tout le cas. Mon
équipe conduit une machine puissante,mais je donne la direction. J’ai confiance en René,car je sais qu’il ne laissera jamais le système fonctionner au détriment de l’artiste.

Le duo avec Céline Dion, c’était un coup de marketing monté par René...

Pas du tout. Qu’aurait-il eu à y gagner?, Et elle ? J’ai d’ailleurs été sidéré par son humilité. Elle, la plus grande chanteuse du monde, est venue me demander de chanter en duo avec moi. Je n’en suis pas revenu.

Où vivez-vous actuellement?
Entre mon appartement, à Paris, et ma maison près de Montréal. Dans le premier, je ne fais que poser mes valises et, dans l’autre,je me ressource. Je vais m'installer à New York pour l'album américain. J'aime bouger et, heureusement, ma conjointe aussi.

Quel est votre plus beau souvenir de scène?

Quand j'ai chanté avec George Harrison. Il était dans la salle mais ne voulait pas jouer. Nous avons enchaîné les morceaux qu'il avait composés et il est venu sur scène. Tout le succès du monde n'est rien à côté du bonheur que j'éprouve dans ces moments là. C'est pour cela que je fais de la musique.

Julien Deledicq.