Il
est le grand triomphateur des NRJ Music awards avec trois récompenses
et l'un des favoris (avec deux nominations) des Victoires de la
musique le 9 mars. Révélé par "Notre Dame
de Paris", le chanteur canadien a été le plus
gros vendeur de disques en 2001. Le mois prochain, il se produit
pour la première fois à Bercy au cours d'une tournée
en France. Ce qui ne l'empêche pas de rêver à
d'autres projets. Un entretien exclusif. Olympia,
Zénith et maintenant Bercy, en moins dun an, cest
rapide...
Jaurai fait les trois grandes
salles parisiennes.
Il vous reste le Stade de France...
Je ne vais pas aller jusque-là!...
Ça me fait peur de monter si vite. La descente peut être
très rapide.Ça met la pression. Au départ,
je pensais que mon spectacle était fait pour une salle comme
lOlympia, puisque je chante surtout des ballades. Mais je
me suis rendu compte en interprétant les morceaux que les
chansons sages devenaient complètement folles en spectacle.
Vous vous sentez plus à laise
dans les grandes salles?
Le Zénith, cest plus vivant,
il y a une ambiance de bar! Comme à mes débuts, les
gens sont debout dès que je monte sur scène. Jai
limpression dêtre en territoire connu. Les
salles assises ça allait pour Notre-Dame de Paris.
Bercy, je ne connais pas encore, je ny suis jamais allé.
Jai juste vu les spectacles de Sardou à la télé!
Où en est votre album en anglais?
Cest encore un fantasme. Nous avons commencé
à recevoir beaucoup de chansons. Nous faisons le tri. Les
équipes internationales qui ont travaillé sur Seul,
David Foster ou Bryan Adams, par exemple, ne connaissaient pas le
marché francophone. Elles ont toujours eu hâte que
jarrive sur le marché americain...
Vous êtes prêt à faire
des compromis pour ce projet?
Je ne suis pas une pute, mais je suis quand même un
mec facile... [Rires.] Mon compromis a été de chanter
en français. Mon répertoire dans les bars était
anglophone. La langue française, à mes débuts,
javais un peu de mal.
Votre voix, vous la travaillez avec quelles substances illicites?
Jamais de cigarettes américaines, que des canadiennes!
(II en tend un paquet.) Je ne lai jamais travaillée
mais je ne suis pas né avec. Cest à force de
chanter dune certaine façon, comme un cri démotion,
que jai fini par renforcer le muscle de la corde vocale. A
force, aussi, daimer les voix de Ray Charles ou de Joe Cocker.
Et aujourdhui?
Je ny fais pas beaucoup attention. Juste un ptit
verre de whisky avant de monter sur scène parfois pour la
réchauffer! Quand jai des problèmes -trop de
télé, de concerts, de stress, dans les débuts
de tournée là, je fais plus attention.
Etes-vous attiré par le cinéma?
Si on fait appel à moi, cest surtout pour des
considérations financières ou de popularité,
plus que pour le film.
Dautres envies?
Jaime bien le business. Je my suis intéressé
à mes débuts, parce que je craignais quon
mexploite. Jai appris les rudiments du métier,
tandis que la plupart de mes confrères ne sen occupent
pas. Je me vois bien manager-producteur.
Vous êtes dur en affaires?
Dur, doffice, pour établir le respect. Puis
je fais tout après pour que la relation soit amicale et sympathique.
Pourtant vous êtes soumis par rapport
à vos chansons, puisque vous nêtes quinterprète?
-Pas soumis, libre, au contraire. Si jétais auteur,
je serais enfermé dans mes inspirations personnelles. Mon
univers, ma vision des choses, ça me stimule moins. Mes chansons,
on ne me les impose pas, on me les propose.
La
plupart sont écrites par votre ami Luc Plamondon. Lui faites-vous
des demandes?
Avec Plamondon, nous sommes très proches. Nous pouvons
discuter. Je lui ai demandé Gitan, par exemple.
Jai entendu la musique, et je luiai dit que je voulais
une chanson qui parle dun Gitan. Il me la ramenée
maintes et maintes fois, sans que je sois jamais satisfait.
Alors il a peaufiné, pour arriver au résultat actuel,
dont je suis très fier. Jai écrit beaucoup de
chansons, mais elles nont pas encore eu envie de voyager.
Beaucoup de gens me le conseillent pourtant pour avoir un statut
plus intelligent, mais je nai pas envie.
Ça vous gêne de ne pas avoir
de statut plus intelligent?
En tant que chanteur, je veux toujours être naïf
et sensible. Je vetix rester enfant, même si les gens pensent
que je suis un con. Mais ce nest pas parce que lon na
pas envie de faire ses chansons que lon en est incapable.
Et le 1,8 million dalbums vendus ne me rend pas plus intelligent.
A quel moment avez-vous eu ras-le-bol du
personnage de Quasimodo?
Jamais. Quasimodo, je lai apprécié encore
plus à Londres, où je ne lai joué que
trois mois. Puis jai enchaîné avec lalbum.
Je suis sorti de là sans vraiment en avoir envie. A Londres,
javais davantage vécu le personnage. En France, lalbum
de Notre Dame étant sorti avant le spectacle,
les gens voyaient plus Garou linterprète que Quasimodo.
A Londres, cétait beaucoup plus pur.
Quest-ce qui vous énerve aujourdhui?
Que lon se mêle de ma vie personnelle. On veut
menlever le peu qui me reste, qui fait que je suis normal.
La vie familiale est tellement importante pour moi... Mon objectif
na jamais été dêtre une superstar.
Je suis fier que la carrière de Garou marche, parce que je
fais les choses de manière authentique. Mais je veux rester
le commun des mortels. Je nai pas envie que lon me détruise
cela.
«Star
Academy, Popstars, vous ne trouvez pas que la
télé fait vendre nimporte quoi?
La télévision pourra toujours tenter dimposer
ses choix, mais tenir la longueur, cest le public qui décide.
Jai travaillé des années sur scène avant
même de penser que je pourrais passer à la télévision.
Pour beaucoup de nouveaux venus en France, la scène semble
inaccessible ce qui est dommage.
Est-il exact que les fans qui vous demandent des autographes vous
font fuir? Jai envie de voir les gens. A la fin dun
spectacle jessaie daller à leur rencontre.
Mais je ne les vois pas! Je ne vois que des papiers et des crayons.
Jen ai à peine signé un quil y ena déjà
huit autres sous mon nez... Qui
vous appelle encore Pierre [son prénom]?
Peu de monde : ma banquïère, ma mère et
ma soeur. Mon père, lui, mappelle fils.
Vous avez abandonné votre personnalité
civile au profit de lartiste?
Pour moi, Pierre Garand existe encore. Cest un peu
le manager de Garou, et cest lêtre familial. Garou,
cest rigolo, ce nest pas un nom dartiste, puisquon
me surnommait ainsi avant quon me connaisse. Ce pseudonyme
est venu du chanteur de mon premier groupe The Windows and Doors.
Nous nous appelions par nos noms de famille. Et de Garand, il est
passé à Garou. Jétais dans une phase
où je changeais : je chutais dans les études, alors
que jusquici javais toujours été premier
de la classe.
Vous êtes allé jusquau
bac?
Même pas. Je voulais vaguement être archéologue.
Jusquà ce que je me rende compte quarchéologue,
ce nétait pas que la découverte de nouvelles
civilisations. Jeune, je ne lisais ni B.d. ni romans, maïs
des bouquins lourds sur les Incas ou les Mayas. Un travail dautodidacte.
Après, jai fait un peu de psychologie et désotérisme.
Si vous naviez pas été
chanteur?
Aucune idée. Cest dailleurs pour ça
que jai arrêté mes études. Javais
envie de travailler à mon rythme. Au Canada, on peut de toute
façon réintégrer luniversité à
25 ans. Cest ce que jaurais fait si rien nétait
arrivé.,. Je me serais peut-être tourné vers
la psychologie. Et puis,à 25 ans, justement, dans un bar,
un monsieur avec des lunettes noires est venu me chercher: Jai
pensé à vous prendre pour ma prochaine comédie
musicale... Cétait Luc Plamondon.
Vous étiez le vrai nouveau de la troupe
de Notre-Dame.
Des quatre Québecois, j'étais le seul inconnu. Bruno
Pelletier au Canada, c'est au même niveau que Céline
Dion, question populaire.A mon retour, après six mois de
représentations, tout le monde se demandait qui était
ce mec dont on parlait beaucoup en France. Je noublierai jamais
que tout a commencé en France.
Au début, on vous prenait un peu pour le gentil cousin
du Québec?
Un peu, oui. Aujourdhuï, cest linverse.
Il y a une générosité du public français
que je ne retrouverai jamais au Québec
Vous venez dobtenir
trois N.r.j. MusicAwards. Comment expliquez-vous ce succès? Je ne my attendais pas. Jétais un
parfait inconnu au Midem il y a quatre ans lors du lancement de
Notre-Dame de Paris, et je my retrouve quatre
ans plus tard avec quelques trophées N.r,j, sous le bras,
au moment où Luc Plamondon lance Cendrillon.
Pour moi, cest un accomplissement au-delà de mes espérances.
Vous êtes presque devenu français? Mes racines, mon lac, personne ne me les enlèvera,
mais ma carrière est vraiment en France. Garou en tournée à partir de février
dans toute la France et à Bercy, du 19 au 21 mars. Concert
supplémentaire le 12 avril. Album «Seul avec vous»
(Columbia-Sony.).Un entretien avec Benjamin LOCOGE et Jérôme
BEGLE