PARIS MATCH n°2751 14 Février 2002

"GAROU a mis la France à ses pieds"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il est le grand triomphateur des NRJ Music awards avec trois récompenses et l'un des favoris (avec deux nominations) des Victoires de la musique le 9 mars. Révélé par "Notre Dame de Paris", le chanteur canadien a été le plus gros vendeur de disques en 2001. Le mois prochain, il se produit pour la première fois à Bercy au cours d'une tournée en France. Ce qui ne l'empêche pas de rêver à d'autres projets. Un entretien exclusif.

Olympia, Zénith et maintenant Bercy, en moins d’un an, c’est rapide...
— J’aurai fait les trois grandes salles parisiennes.

Il vous reste le Stade de France...
— Je ne vais pas aller jusque-là!... Ça me fait peur de monter si vite. La descente peut être très rapide.Ça met la pression. Au départ, je pensais que mon spectacle était fait pour une salle comme l’Olympia, puisque je chante surtout des ballades. Mais je me suis rendu compte en interprétant les morceaux que les chansons sages devenaient complètement folles en spectacle.


Vous vous sentez plus à l’aise dans les grandes salles?

— Le Zénith, c’est plus vivant, il y a une ambiance de bar! Comme à mes débuts, les gens sont debout dès que je monte sur scène. J’ai l’impression d’être en ter­ritoire connu. Les salles assises ça allait pour ‘Notre-Dame de Paris”. Bercy, je ne connais pas encore, je n’y suis jamais allé. J’ai juste vu les spectacles de Sardou à la télé!

Où en est votre album en anglais?

— C’est encore un fantasme. Nous avons commencé à recevoir beaucoup de chansons. Nous faisons le tri. Les équipes internationales qui ont travaillé sur “Seul”, David Foster ou Bryan Adams, par exemple, ne connaissaient pas le marché francophone. Elles ont toujours eu hâte que j’arrive sur le marché americain...

Vous êtes prêt à faire des compromis pour ce projet?
—Je ne suis pas une pute, mais je suis quand même un mec facile... [Rires.] Mon compromis a été de chanter en français. Mon répertoire dans les bars était anglophone. La langue française, à mes débuts, j’avais un peu de mal.

Votre voix, vous la travaillez avec quelles substances illicites?

— Jamais de cigarettes américaines, que des canadiennes! (II en tend un paquet.) Je ne l’ai jamais travaillée mais je ne suis pas né avec. C’est à force de chanter d’une certaine façon, comme un cri d’émotion, que j’ai fini par renforcer le muscle de la corde vocale. A force, aussi, d’aimer les voix de Ray Charles ou de Joe Cocker.

Et aujourd’hui?
— Je n’y fais pas beaucoup attention. Juste un p’tit verre de whisky avant de monter sur scène parfois pour la réchauffer! Quand j’ai des problèmes -trop de télé, de concerts, de stress, dans les débuts de tournée — là, je fais plus attention.

Etes-vous attiré par le cinéma?
— Si on fait appel à moi, c’est surtout pour des considérations financières ou de popularité, plus que pour le film.


D’autres envies?

— J’aime bien le business. Je m’y suis in­téressé à mes débuts, parce que je crai­gnais qu’on m’exploite. J’ai appris les rudiments du métier, tandis que la plupart de mes confrères ne s’en occupent pas. Je me vois bien manager-producteur.

Vous êtes dur en affaires?

— Dur, d’office, pour établir le respect. Puis je fais tout après pour que la relation soit amicale et sympathique.

Pourtant vous êtes soumis par rapport à vos chansons, puisque vous n’êtes qu’interprète?
-Pas soumis, libre, au contraire. Si j’étais auteur, je serais enfermé dans mes inspirations personnelles. Mon univers, ma vision des choses, ça me stimule moins. Mes chansons, on ne me les impose pas, on me les propose.

La plupart sont écrites par votre ami Luc Plamondon. Lui faites-vous des demandes?
— Avec Plamondon, nous sommes très proches. Nous pouvons discuter. Je lui ai demandé “Gitan’, par exemple. J’ai en­tendu la musique, et je luiai dit que je voulais une chanson qui parle d’un Gitan. Il me l’a ramenée maintes et maintes fois, sans que je sois jamais sa­tisfait. Alors il a peaufiné, pour arriver au résultat actuel, dont je suis très fier. J’ai écrit beaucoup de chansons, mais elles n’ont pas encore eu envie de voya­ger. Beaucoup de gens me le conseillent pourtant pour avoir un statut plus intelligent, mais je n’ai pas envie.

Ça vous gêne de ne pas avoir de statut plus intelligent?
— En tant que chanteur, je veux toujours être naïf et sensible. Je vetix rester enfant, même si les gens pensent que je suis un con. Mais ce n’est pas parce que l’on n’a pas envie de faire ses chansons que l’on en est incapable. Et le 1,8 million d’albums vendus ne me rend pas plus intelligent.

A quel moment avez-vous eu ras-le-bol du personnage de Quasimodo?
— Jamais. Quasimodo, je l’ai apprécié en­core plus à Londres, où je ne l’ai joué que trois mois. Puis j’ai enchaîné avec l’album. Je suis sorti de là sans vraiment en avoir envie. A Londres, j’avais davantage vécu le personnage. En France, l’album de “Notre ­Dame” étant sorti avant le spectacle, les gens voyaient plus Garou l’interprète que Quasimodo. A Londres, c’était beaucoup plus pur.

Qu’est-ce qui vous énerve aujourd’hui?

— Que l’on se mêle de ma vie personnelle. On veut m’enlever le peu qui me reste, qui fait que je suis normal. La vie familiale est tellement importante pour moi... Mon objectif n’a jamais été d’être une superstar. Je suis fier que la carrière de Garou marche, parce que je fais les choses de manière authentique. Mais je veux rester le commun des mortels. Je n’ai pas envie que l’on me détruise cela.

«Star Academy”, “Popstars”, vous ne trouvez pas que la télé fait vendre n’importe quoi?
— La télévision pourra toujours tenter d’imposer ses choix, mais tenir la longueur, c’est le public qui décide. J’ai travaillé des années sur scène avant même de penser que je pourrais passer à la télévision. Pour beaucoup de nouveaux venus en France, la scène semble inaccessible ce qui est dommage.

Est-il exact que les fans qui vous demandent des autographes vous font fuir?
— J’ai envie de voir les gens. A la fin d’un spectacle j’essaie d’aller à leur ren­contre. Mais je ne les vois pas! Je ne vois que des papiers et des crayons. J’en ai à peine signé un qu’il y ena déjà huit autres sous mon nez...
Qui vous appelle encore Pierre [son prénom]?
— Peu de monde : ma banquïère, ma mère et ma soeur. Mon père, lui, m’appelle fils.

Vous avez abandonné votre personnalité civile au profit de l’artiste?
— Pour moi, Pierre Garand existe encore. C’est un peu le manager de Garou, et c’est l’être familial. Garou, c’est rigolo, ce n’est pas un nom d’artiste, puisqu’on me surnommait ainsi avant qu’on me connaisse. Ce pseudonyme est venu du chanteur de mon premier groupe The Windows and Doors. Nous nous appelions par nos noms de famille. Et de Garand, il est passé à Garou. J’étais dans une phase où je changeais : je chutais dans les études, alors que jusqu’ici j’avais toujours été premier de la classe.

Vous êtes allé jusqu’au bac?
— Même pas. Je voulais vaguement être archéologue. Jusqu’à ce que je me rende compte qu’archéologue, ce n’était pas que la découverte de nouvelles civilisations. Jeune, je ne lisais ni B.d. ni romans, maïs des bouquins lourds sur les Incas ou les Mayas. Un travail d’autodidacte. Après, j’ai fait un peu de psycho­logie et d’ésotérisme.

Si vous n’aviez pas été chanteur?
— Aucune idée. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai arrêté mes études. J’avais envie de travailler à mon rythme. Au Canada, on peut de toute façon réintégrer l’université à 25 ans. C’est ce que j’aurais fait si rien n’était arrivé.,. Je me serais peut-être tourné vers la psychologie. Et puis,à 25 ans, justement, dans un bar, un monsieur avec des lunettes noires est venu me chercher: J’ai pensé à vous prendre pour ma prochaine comédie musicale...” C’était Luc Plamondon.


Vous étiez le vrai nouveau de la troupe de “Notre-Dame”.

Des quatre Québecois, j'étais le seul inconnu. Bruno Pelletier au Canada, c'est au même niveau que Céline Dion, question populaire.A mon retour, après six mois de représentations, tout le monde se demandait qui était ce mec dont on parlait beaucoup en France. Je n’oublierai jamais que tout a commencé en France.

Au début, on vous prenait un peu pour le gentil cousin du Québec?

— Un peu, oui. Aujourd’huï, c’est l’inverse. Il y a une générosité du public français que je ne retrouverai jamais au Québec

Vous venez d’obtenir trois N.r.j. MusicAwards.
Comment expliquez-vous ce succès?

— Je ne m’y attendais pas. J’étais un parfait inconnu au Midem il y a quatre ans lors du lancement de “Notre-Dame de Paris”, et je m’y retrouve quatre ans plus tard avec quelques trophées N.r,j, sous le bras, au moment où Luc Plamondon lance “Cendrillon”. Pour moi, c’est un accomplissement au-delà de mes espérances.

Vous êtes presque devenu français?

— Mes racines, mon lac, personne ne me les enlèvera, mais ma carrière est vraiment en France.
Garou en tournée à partir de février dans toute la France et à Bercy, du 19 au 21 mars. Concert supplémentaire le 12 avril. Album «Seul avec vous» (Columbia-Sony.).Un entretien avec Benjamin LOCOGE et Jérôme BEGLE